Préambule

La lecture n’est pas une évidence pour tout le monde. Aujourd’hui (depuis les années 1950) il y a une politique de la lecture en soi. Elle est considérée comme une valeur en soi. Lire est encouragé par le prix du livre, le maintien des librairies et l’accès aux bibliothèques. Pendant longtemps lire n’a pas toujours et partout bien vu : on considérait qu’il y avait de bonnes et de mauvaises lectures.

Doc iconographiques:
S. BRANT, La Nef des Fous , 1494 « Des fous j’ouvre la danse car tout autour de moi j’accumule des livres que je ne comprends pas et jamais je ne lis. »

Frontispice des Histoires d’Herodote 1494

La lecture est valorisée à la fin du XVe siècle mais elle reste une compétence rare.

Savoir lire et lire est un signe de distinction sociale : c’est l’appartenance à une élite intellectuelle mais également sociale car il faut des ressources car cela coûte cher de se procurer des ouvrages. Ils sont encore manuscrits et copiés à la commande dans des ateliers de copistes.

Contrairement à une idée parfois répandue, il faut savoir lire pour être copiste ou imprimeur.

Tout ce qui est rare a de la valeur.

Dans l’Antiquité pourtant c’était les esclaves qui lisaient et écrivaient, c’était un labeur. La grande distinction était de se faire lire. Il ne faut donc pas oublier le contexte culturel.

En France nous avons une culture du livre car nous avons une culture chrétienne. La Bible est le Livre, c’est la Parole de Dieu.

L’ensemble des autres livres abrite la pensée de l’homme. Le livre est une sorte de temple du savoir au-delà de la mort.

L’acte de lecture est noble car peu mécanique. Le livre a donc une dimension sacrée.

Lire c’est accédé à un savoir qui donne de l’autorité. C’est la pratique de celui qui enseigne aux autres, qui juge les autres, c’est le pouvoir. C’est accédé à un secret.

Cependant depuis la seconde moitié du XXe siècle, il y a une désacralisation du livre, la pratique reste toujours honorable.

Les limites du trop lire

La notion de trop lire apparaît dans le sillage de la naissance de l’imprimerie. Dans les décennies qui suivirent la naissance de l’imprimerie, les contemporains ont eu l’impression d’être submergés par les livres alors qu’il n’est parut que 5 millions d’exemplaires en 50 ans.
Se développe également les collections de livres.
Le fou de livre est coupé de la vie réelle. Cette idée perdure jusqu’au XXe siècle.

>Le danger pour la santé

Le manque d’activité physique minimum nécessaire à la santé est un argument récurrent. La lecture est accusée également de rendre paresseux.

Ex : Le Docteur Tissot en 1767 prescrit d’associer à la lecture une promenade dans le jardin.

>Le danger de perdre le sens des réalités

La lecture provoque une fatigue intellectuelle. On prend sur son sommeil pour lire.

Ex : Don Quichotte, 1605, est devenu fou par la lecture des fictions romanesques.

On oublie de manger.

>Mélange entre fiction et réalité

Trop lire peut provoquer une insensibilité face au réel.

>Eloignement des devoirs

Notable chez les adultes, ils perdent le sens des réalités et négligent leur devoir sociaux et leurs responsabilités. Cela est nuisible à autrui.

Ex : le roman bourgeois de 1666. Javote ment pour continuer de lire.

Ce manquement au devoir est un reproche fait aux femmes car jusqu’en 1960, l’on considère que le devoir de la femme est de s’occuper du foyer, lire la distrait de son devoir.

La lecture n’est pas dénoncée en soi mais c’est l’addiction qui est condamnable

Les dangers de la lecture sur certains lecteurs

Ces dangers sont en général présentés comme le fait que certains ouvrages sont pernicieux.

Ex : dénonciation du roman à feuilleton qui ravage l’esprit des femmes comme l’alcool l’esprit des hommes.

La lecture a donc un mauvais effet sur la morale et l’intellect de certains publics. Ces publics ne s’attacheront qu’à lire des lectures pernicieuses sans s’en rendre compte.

Ainsi il n’y a pas de mauvais livres mais de mauvais lecteurs.

Ils sont désignés comme les nouveaux lecteurs. Ils ont acquis la compétence de lecture sans la culture de la lecture car personne ne sait lire dans leur famille.

Ex : les enfants, les femmes, les gens du peuple, les paysans et ouvriers, les faibles d’esprit. Ils n’ont pas l’esprit critique nécessaire, ils sont trop influençables et influencé. Ils pratiquent la lecture de façon incontrôlée.

Ce discours est lié à l’élargissement de la compétence de la lecture.

C’est un discours qui émane de l’Eglise qui argumente sur l’innocence naturelle pervertie. Le bon catholique doit accepter sans comprendre car les Voies du Seigneur sont Impénétrables.

Ex : 1773 = tout ce qu’il y a d’innocent et de chrétien ne sait ni lire ni écrire.

Ce discours est aussi celui des notables dissimulant une peur sociale. Les lectures du peuple sont des subversions morale et sociale.

Ex : Voltaire, pourtant grand penseur des Lumières, n’en est pas moins un grand propriétaire qui a à son service des paysans.
Il dénonce les dangers de la lecture chez le peuple.

C’est au XIXe siècle et au début du XXe que l’on entend ce discours chez les ouvriers syndiqués qui veulent rallier à des causes politiques.

Cette façon d’envisager le lectorat justifiera certaines formes de censure.

L’on peut donc voir que la lecture a une double visibilité : elle est valorisée mais également considérée comme une activité suspecte. Notamment dans la société française qui met l’accent sur la vie de groupe, et certaines lectures ou l’abus de lecture peut couper du groupe.

Ce qui a changé aujourd’hui c’est la montée de l’individualisme. Il est normal de vouloir savoir, apprendre, comprendre, de critiquer d’où notre valorisation de l’acte de lecture.

On dénonce par ailleurs le manque de lecture et la baisse de l’esprit critique.

Tous les griefs accordés à la lecture sont aujourd’hui reportés sur la télévision, Internet et les jeux vidéo.